Je ne suis pas qu’un corps !

J’aime à poser la question suivante aux jeunes que je rencontre « quelle est la partie du corps qui est absolument unique à chaque personne ? » après quelques minutes d’hésitation beaucoup répondent « le cœur ! ».

Personne alors ne pense au cœur, organe vital, mais bien à ce cœur plus spirituel, siège de nos émotions et de nos sentiments. Il y a quelque chose de très juste dans cette réponse sauf que ce cœur-là ne fait pas partie du corps à proprement parlé. Nous entendons cependant cet adage « le regard est le miroir de l’âme » (donc du cœur). Ce regard en revanche est au centre du visage qui lui, fait partie du corps, et c’est bien ce visage qui fait que je suis unique, reconnaissable par les autres.

Ce besoin et ce sentiment d’être unique sont, me semble-t-il, fondateurs dans l’amour. Je me sens aimée quand je me sens unique dans les yeux de l’être aimé.

Si donc je veux être choisie pour ce que j’ai d’unique, sans doute est-il juste que les parties de mon corps qui ne sont pas uniques et qui pourtant suscitent un certain regard : les fesses et les seins soient cachés. Mon corps c’est moi bien sûr, mais seul mon visage fait de moi une personne unique.

Quel regard j’attends sur moi ?

Même si dans un premier temps on peut être flattée d’avoir été choisie pour son beau corps, il me semble que peu de femmes (si ce n’est aucune) ne souhaitent au fond d’elles-mêmes, être choisies pour leurs belles fesses ou pour leurs seins bien galbés. Assez rapidement le doute pourrait en effet s’inviter dans la relation « est ce qu’il m’aime vraiment ? moi comme son unique, ou est ce qu’il m’aime pour mon corps ? » une inquiétude peut vite naitre en moi… « et si mon corps venait à changer, serais-je toujours aussi aimable ? »

Si l’on parle de tenues provocantes, c’est sans doute qu’elles attirent un certain regard, un regard qui prend ce corps quelque peu exposé, qui le juge à l’aune de certains critères d’ordre esthétiques ou même déjà sexuels.

Or nul ne peut le prendre ce corps ; c’est moi qui le donne à la personne que j’ai ou que je choisirai d’aimer.

Consentir à la différence engendre le respect

Il ne s’agit pas ici de soupçonner l’intention de la fille qui porte aujourd’hui ces mini vêtements, mais peut-on se contenter de ce « ça me regarde… je fais ce que je veux ! », si coutumier dans la bouche des filles.

Nous sommes fondamentalement des êtres de relation. Quel jeune, en effet, se contenterait du rapport à son bulletin scolaire ? Tout jeune a un besoin réel et légitime d’appartenir à une bande de copains. Nous ne pouvons vivre seuls ! En clair, nous sommes faits pour aimer et être aimés.

Pour que cette relation à l’autre soit harmonieuse, je ne peux pas ne pas prendre en considération l’autre dans ses besoins, dans ses attentes, dans sa différence…  C’est ce qu’on appelle le respect.

« Ça me regarde, je fais ce que je veux ! » exprime une négation de notre dimension sociale.

Peut-on encore dire aujourd’hui que le regard posé sur le corps et la nudité est différent s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, sans être taxée immédiatement de sexisme ? pas sûr ! Cependant, j’ose quand même !

Pourquoi voir cette différence comme une opposition plutôt que comme une source éventuelle de richesse.

Prendre en considération l’autre, c’est consentir à ce réel, fait de différences.

Comprendre que ma tenue puisse susciter une regard, même parfois une réaction dans le corps de l’autre, et accepter de ne pas la provoquer, c’est entrer dans une relation de respect mutuel.

Ce consentement à la différence est la condition, me semble-t-il, d’une société plus harmonieuse et plus apaisée.

Tout cela, il faut l’avouer, devient cependant bien compliqué, quand seul le visage doit être masqué !

 

Inès de Franclieu